Bolivie: l'extraction de lithium en plein essor peine à convaincre localement
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La Bolivie possède les plus grandes ressources de lithium au monde. Depuis 15 ans, le pays travaille à l’industrialisation de cette filière. Mi-décembre, le gouvernement bolivien a inauguré en grande pompe la première usine de carbonate de lithium du pays. Une étape présentée comme clé mais qui cache mal les difficultés latentes à développer cette industrie et les retombées économiques locales quasi nulles.
De notre envoyé spécial à Rio Grande,
La Bolivie et le salar d’Uyuni sont en fête. Après des années de retards et de travaux, la première usine de carbonate de lithium est enfin inaugurée. Président, ministres, députés, gouverneur du département... Tout le monde s’est déplacé au milieu du désert de sel. Et beaucoup le répètent, « c’est un jour historique ». Franklin Molina Ortiz, ministre des Hydrocarbures et de l'Énergie, se réjouit de cette inauguration : « Il ne s’agit pas seulement de produire du lithium. Il est évident que cette production va apporter beaucoup de bénéfices en termes d’emplois, d’activité économique et d’industrie pour la région de Potosi. »
Pourtant, depuis le lancement de la filière lithium il y a 15 ans, très peu de choses ont été faites pour développer l’emploi local. C’est ce que nous explique Basilio Marcas Flores, dirigeant du syndicat paysan de la région : « Ce que nous voulons pour notre région, c’est que les gens d’ici aient la priorité pour être formés. Car pour le moment, il n’y pas assez de professionnels et il y a beaucoup d’étrangers qui viennent ici. »
Localement, les répercussions se font encore attendreLe manque de formation et d’emplois locaux est particulièrement visible à Rio Grande, le village le plus proche de l’usine. Ici, quelques camions tachés de sels arrivent du salar mais les traces de l’industrie du lithium sont rares. Et quand on demande au maire Edgar Mamani s’il y a beaucoup d’emplois locaux liés à l’usine, voici ce qu’il répond : « À l’échelle de notre communauté, ce n’est pas grand-chose. Mais nous nous occupons du service de transport, et cela a généré un emploi. »
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Mais Edgar Mamani ne perd pas espoir, selon lui, cela va bientôt changer : « Avec la taille de l’usine, c’est sûr qu’il va y avoir des retombées économiques comme des royalties ou autre. »
Une vision optimiste à laquelle ne croit pas du tout Donny Alí, le fondateur et gérant de l'Hôtel lithium de Rio Grande. Un établissement créé en 2014, quand une partie des installations industrielles devaient être construites près de la ville : « Je voyais qu’il y avait besoin d’une sorte de campement pour loger les ingénieurs, les techniciens. D’où l’idée de créer cet hôtel pour accueillir les personnes venant travailler ici. »
Des bénéfices recordsFinalement, l’usine est construite dans le salar, les employés logés sur place et même pendant leurs jours de repos, ils ne viennent pas à Rio Grande, se désole le gérant. Le village n’a donc presque aucune activité économique générée grâce à cette industrie.
L’année dernière, la Bolivie a battu son record d'exportations de lithium : 600 tonnes pour 52 millions de dollars. Une goutte d’eau par rapport au voisin chilien qui a exporté pour 7,7 milliards. Avec l’inauguration de l’usine, les ventes de lithium devraient augmenter en 2024, mais pour le moment, la Bolivie est encore loin de l’Eldorado promis depuis tant d’années.
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