Chili: 40 ans après un frère et une sœur adoptés illégalement retrouvent leur mère biologique
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Cinq citoyens américains viennent de rencontrer leurs familles biologiques au Chili. Aujourd’hui adultes, ces cinq personnes nées dans le pays andin sous la dictature, dans les années 1970-1980, ont été adoptées bébés. Mais il s’agissait en réalité d’adoptions irrégulières réalisées par un réseau de trafic d’enfants qui a opéré pendant plus de 10 ans. Près de 20 000 mineurs auraient ainsi été soustraits à leur mère, souvent pauvres et illettrées, à qui l’on faisait croire que leur bébé était mort-né, ou qui étaient manipulées et forcées d’abandonner leur enfant.
De notre correspondante à Santiago du Chili,
Emily et Sean, 39 et 40 ans, sont frères et sœurs. Ils sont Américains, mais nés au Chili dans les années 1980. Assis aux côtés de Sara, leur mère biologique chilienne, cela fait à peine 24 heures qu’ils l’ont retrouvée et l’émotion est encore forte. «I feel wonderfull » (« Je me sens merveilleusement bien »), dit Emily, la voix tremblante. Elle a grandi avec son frère Sean dans leur famille adoptive aux États-Unis.
« Il y a eu tellement d'anxiété et de stress avant de venir ici. Mais quand nous sommes arrivés, tout s’est envolé. On est passé du stress au bonheur et à la joie. Pouvoir la serrer pour la première fois après 39 ans, c’est juste un moment incroyable. Mon cœur est rempli », ajoute Emily.
« Muy emocionada », répond Sara la maman biologique, elle aussi très émue. Il y a 40 ans, elle a d’abord accouché d’un petit garçon, Sean, qui lui a été enlevé. Puis, 13 mois plus tard, sa fille Emily naissait et l’histoire s’est répétée. « On m’a fait croire qu’ils étaient morts à la naissance. Et c’est juste en novembre dernier que j’ai appris qu’ils étaient vivants. Je ne pouvais pas y croire. Il a fallu que j’assimile tout le mal qui m’a été fait. Ensuite, j’ai beaucoup pleuré d’émotion et j’avais toujours du mal à y croire », raconte la maman
« On m'a fait croire qu'ils étaient morts »C’est en juillet dernier que la mère adoptive d’Emily et de Sean aux États-Unis a découvert l’histoire de ces adoptions irrégulières dans la presse. Ils ont alors lancé des recherches, aidés par l’association Connecting Roots. Et après avoir appris que Sara, leur mère biologique, était vivante, ils ont réalisé des tests ADN qui ont confirmé les liens de sang. Sean se souvient : « J’étais très en colère au début. Car nous avons réalisé que non seulement nos parents adoptifs avaient été trompés, mais aussi notre mère biologique. Des gens ont tiré profit de tout ça ! » Emily exprime la même injustice que son frère : « On nous a retiré notre droit d’être avec notre mère et elle n’a jamais pu nous avoir dans ses bras. »
Aujourd’hui, Emily et Sean veulent essayer de rattraper le temps perdu avec leur famille chilienne, mais ils demandent aussi du soutien : « J'aimerais que notre gouvernement soutienne ce que nous faisons ici, explique Sean. Qu’il fournisse des fonds afin que les familles qui n'ont pas les moyens d’entreprendre ce voyage aient cette opportunité. »
De son côté, Connecting Roots, qui aide à reconnecter les familles, lance un appel au gouvernement chilien. Juan Luis Insunza est le vice-président de l’organisation : « Que le gouvernement reconnaisse ce qui s’est passé comme une vérité officielle. Au Chili, pendant la dictature, il y a eu des tortures et des assassinats, mais dans la liste ces adoptions forcées n’apparaissent pas. »
Et il n’y a pas qu’aux États-Unis que ces adoptions irrégulières ont eu lieu, l’Europe est aussi concernée, la France notamment, les Pays-Bas ou encore la Suède.
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