Attentat de Strasbourg: le récit bouleversant de Mostafa Salhane, chauffeur de taxi otage du terroriste
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Plus de cinq ans après les faits, le procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg s'ouvre ce jeudi 29 février 2024 devant la cour d'assises spéciale à Paris. Une étape essentielle pour Mostafa Salhane, le chauffeur de taxi pris en otage par le terroriste et dont la vie a basculé ce jour-là.
Grand et robuste, Mostafa Salhane, ceinture noire de karaté, en impose par sa carrure. Pourtant, c'est en homme brisé qu'il témoignera au procès de l'attentat de Strasbourg qui s'ouvre ce jeudi.
« Il y a un Mostafa Salhane avant et un Mostafa Salhane après l'attentat »La vie de cet ancien chauffeur de taxi a en effet basculé le 11 décembre 2018. Ce soir-là, Mostafa Salhane vient de terminer une course dans le centre historique de Strasbourg quand un homme agité monte dans son taxi.
« Il me dit : "Dépêche-toi de m'emmener dans le quartier du Neudorf." Je vois qu'il transpire, qu'il n'est pas bien, il regarde dans tous les sens. On fait 200 mètres et là, il m'annonce la patate chaude en me disant : "Je viens de tuer dix personnes, j'ai tiré sur des militaires et je suis blessé." Là, il me pointe l'arme sur les côtes et me dit : "Si tu fais le malin, je t'allume." Et je comprends que je suis pris au piège », raconte-t-il.
Le terroriste lui fait prendre la direction du commissariat. Le chauffeur de taxi comprend alors qu'il veut aller tuer des policiers et se prépare à mourir, car il a décidé de précipiter son véhicule dans la rivière située à proximité du commissariat pour mettre fin à la cavale meurtrière. Mais le terroriste, blessé, est soudain pris de douleurs. Mostafa Salhane le convainc alors de le laisser s'arrêter pour qu'il le soigne. Et dans un moment d'inattention du terroriste, il réussit à s'échapper avec son véhicule. Il file au commissariat donner le signalement qui permettra d'identifier le terroriste comme étant Cherif Chekatt. Ce dernier sera abattu 48 heures plus tard.
Descente aux enfersMais pour Mostafa Salhane, ce n'est que le début d'une longue descente aux enfers. « Je n'étais pas blessé physiquement, mais psychologiquement », dit-il. D’abord atteint de stress post-traumatique, le quinquagénaire sombre ensuite dans la dépression. En arrêt maladie depuis cinq ans, ce père de famille a vu toute sa vie s’écrouler. « Je ne travaille plus, j'ai mes enfants qui sont partis de la maison parce qu'ils n'Arrivaient plus à me comprendre, je suis arrivé au divorce avec ma femme, j'ai perdu ma maison », poursuit-il.
Ce qui l'a sauvé, c'est de voyager, mais aussi de peindre et d'écrire. Lors du procès qui doit durer cinq semaines, Mostafa Salhane attend des explications de la part des quatre accusés. Mais c'est surtout une étape essentielle pour se reconstruire, lui comme les autres victimes. « C'est la parole des victimes qui compte : ce que nous ressentons vraiment, le mal qu'on a en nous. Écouter la douleur des personnes, tout le monde appréhende, mais la justice a besoin de savoir pour reconnaitre les victimes », dit-il.
Ce procès est d'autant plus attendu par Mostafa Salhane qu'il a le sentiment, comme d'autres victimes de l'attentat de Strasbourg, d'avoir été oublié puisqu'aucun hommage national ne leur a jamais été rendu.