Mort de l'opposant Yaya Dillo au Tchad: «S'il s’était rendu, on n'en serait pas arrivé à cette extrémité»

Mort de l'opposant Yaya Dillo au Tchad: «S'il s’était rendu, on n'en serait pas arrivé à cette extrémité»

RFI
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Au Tchad, 24h après l’assaut contre le siège du Parti socialiste sans frontières qui a occasionné d’intenses détonations au centre de Ndjamena ce mercredi 28 février, les autorités ont confirmé, le lendemain, la mort de l’opposant Yaya Dillo, au cours de l’opération de l’armée. Selon le gouvernement, quatre militaires et trois membres du Parti socialiste sans frontières ont été tués en deux jours. Une autre issue était-elle possible ? Entretien avec le ministre de la Communication, Abderaman Koullamalah.

RFI : Abderaman Koulamallah, l'opposant Yaya Dillo a été tué mercredi dans l'assaut du siège de son parti. Comment justifiez-vous ce déchaînement de violence ?

Abderaman Koulamallah : Le déchaînement de violence n'est pas le fait du gouvernement ni des forces de l'ordre. Monsieur Yaya Dillo a choisi délibérément d'affronter les forces de l'ordre, de leur tirer dessus et les forces de l'ordre n'ont pas eu d'autre choix que de répliquer légitimement aux coups de feu importants avec des armes de guerre contre elles. Et, dans les échanges de tirs, Monsieur Yaya Dillo a été blessé et il a succombé à ses blessures.

Pour vous, il est le seul responsable des événements ?

Tout à fait. Qu'est-ce que Monsieur Yaya Dillo faisait au ministère de la Justice pour récupérer le véhicule de son secrétaire aux finances ? Qu'est-ce que Monsieur Yaya Dillo faisait à l'hôpital lorsque ce monsieur a été blessé ? Et qu'est-ce qu'il faisait à une heure du matin devant le siège de l'Agence nationale de sécurité, qui est un endroit sensible ? Même moi, en tant que ministre, je ne peux pas accéder à ce bâtiment sans rendez-vous. Pourquoi ils ont tiré sur l'Agence nationale de sécurité ? Si ce n'est pas ça une responsabilité, qu'est-ce qu'on va trouver d'autre comme responsabilité ? Et l'État a montré sa capacité de rétablir immédiatement cet État de droit.

Est-ce qu'il n'y avait pas d'autres moyens à disposition de l'État pour éviter que cette situation dégénère ?

Bien entendu, il y avait d'autres moyens. Monsieur Saleh Déby [oncle du président de la transition, Ndlr] a été arrêté parce qu'il n'a opposé aucune résistance. Et comme il n'a pas tiré sur les forces de l'ordre, il a été arrêté. Il est maintenant inculpé par le procureur de la République et sa vie n'est absolument pas en danger. Ceux qui ont choisi de s'opposer par les armes, ils ont pris la responsabilité de leur propre action.

Pour beaucoup de Tchadiens, c'est une histoire familiale, un règlement de comptes clanique. Qu'est-ce que vous pensez de cette interprétation ?

Moi, je ne rentre pas dans cette affaire. Tout ce que je sais, c'est qu’aucune ethnie, aucune tribu, aucune communauté n'est au-dessus des lois. Le chef de l'État l'a clairement dit : nous ne faisons pas de compromis sur l'État de droit et sur la réalité sécuritaire de notre pays. Il ne s'agit pas d'un problème ethnique, d'un problème familial, d'un problème communautaire. Il s'agit de la garantie de la paix et de la sécurité pour les citoyens tchadiens. Il n’est pas question que nous faisions des compromis par rapport à ça. Le problème de Yaya Dillo est un autre problème. Il est mort, c'est quelque chose de navrant, c'est quelque chose de pénible pour sa famille. Mais ce n'est pas le fait du gouvernement, ce n'est pas le fait des autorités.

Ce décès, il fait beaucoup réagir, notamment sur les réseaux sociaux, beaucoup de gens disent que les militaires avaient ordre de le tuer.

Est-ce que les militaires sont allés l'attaquer avant cela ? Il exerce librement ses activités d'homme politique. On ne peut pas transformer les choses en disant qu’on avait ordre de le tuer. Quel intérêt de le tuer ? Pourquoi Monsieur Saleh Déby n'a pas été tué ? Parce qu'il s'est rendu et il est aujourd'hui aux mains de la justice. Si Monsieur Yaya Dillo avait fait la même chose, on n'en serait pas arrivé à cette extrémité.

Tout de même, est-ce ce que vous ne craignez pas que cela crée plus de tension dans le pays ?

Ça, ce n’est pas notre problème. Notre problème est d’assumer complètement nos responsabilités et les responsabilités que nous avons vis-à-vis de notre peuple. Est-ce qu'il serait compréhensible qu'un homme qui va attaquer les institutions de la République puisse se la couler douce, ce n'est pas possible. Il fallait l'arrêter. Il a refusé de se faire arrêter, il est advenu ce qui devait advenir.

Est-ce que l'image du Tchad ne pâtit pas, quand même, de la mort d'un des opposants farouches à la transition ?

Est-ce que nous devrions faire un compromis entre l'image du Tchad et l'État de droit ? Ce n'est pas de notre fait, ce sont des faits des gens qui veulent saboter la transition. Pour notre part, cela ne nous empêche pas du tout d'avancer vers le processus électoral en cours. Il n'y a pas d'autre solution que de mettre fin à cette transition le plus rapidement possible avec l'organisation des élections à venir. Pour nous, notre caravane est en marche et nous continuerons à aller vers l'aspiration des Tchadiens au retour d'un ordre constitutionnel. Parce que depuis toujours, les Tchadiens ne font que réclamer l'exercice réel de l'État de droit. Aujourd'hui, nous en avons pris la direction.

 

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