A-t-on raison de vouloir consommer plus de pommes de terre?
About this episode
C'est le troisième produit agricole le plus consommé au monde après le riz et le blé : la pomme de terre. Mais la patate est-elle une valeur sûre pour l'alimentation de demain ? C'est une des questions posées dans le nouveau rapport Demeter sur les enjeux agricoles mondiaux, paru ce mois-ci.
Sur le papier, la pomme de terre offre bien des atouts pour contribuer à réduire la faim dans le monde. Et c'est ce qui explique certainement l'enthousiasme de l'Organisation mondiale de l'alimentation (FAO), qui anticipe un quasi-doublement de la production d'ici 2050 (par rapport à 2021 - soit 750 millions de tonnes produites). Mais à quel prix la patate pourrait-elle nourrir plus de monde, qu'on parle de son impact sur l'environnement ou sur la santé ? Ce sont quelques-unes des questions que pose Diane Mordacq, spécialiste des enjeux agricoles et alimentaires, dans l'édition 2024 du rapport Demeter publié ce mois de février.
Durabilité et santéCar si les deux premiers producteurs mondiaux, la Chine et l'Inde, consomment essentiellement la pomme de terre fraîche, l'industrie de la transformation ne fait que grossir. Dans les pays occidentaux, quand on parle de patate, on parle donc le plus souvent de frites et de chips. Ce qui sous-entend un apport nutritionnel très variable. Les nouvelles habitudes de consommation « soulèvent d'importantes questions de santé », note Diane Mordacq. Avec un risque pour des populations de passer de la sous-nutrition à la surnutrition.
Produire plus de pommes de terre implique aussi une augmentation des surfaces et des rendements. Or la patate modifie en profondeur la structure des sols et leur teneur en nutriments. De meilleurs rendements obtenus en négligeant la rotation « indispensable » entre les cultures seraient néfastes, relève le rapport Demeter. L'engouement pour la pomme de terre est donc limité par son manque de durabilité. Et pose aussi de grandes questions sur sa commercialisation.
Défi de l'approvisionnementLa pomme de terre nécessite une logistique complexe pour être exportée, et seule 4% de la production était échangée mondialement en 2021, l'essentiel étant commercialisé localement ou au niveau régional. Aujourd'hui, l'industrie de la transformation est concentrée en Amérique du Nord et dans le Nord-Ouest de l'Europe, près de grands bassins de production. Mais les leaders industriels sont confrontés au défi croissant d'avoir un approvisionnement suffisant pour alimenter leurs usines. Alors que d'autres pays ne disposent pas ou peu de capacité de transformation, mais de grandes quantités de pommes de terre fraîches.
Un état des lieux que la demande est en train déjà de faire évoluer. Alors que le changement climatique pèse de plus en plus sur les récoltes et questionne, lui aussi, le futur de la pomme de terre.
À lire aussiLa pomme de terre féculière se cherche un avenir