La banane française en difficulté
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Les producteurs français de bananes n'ont pas le sourire. Le prix qui leur est payé va baisser en 2024, après deux années de hausses. Les agriculteurs des Antilles sont à la peine face à la concurrence latino-américaine.
Crise des vocations, rémunération trop faible, changement climatique et restrictions sanitaires jugées trop importantes : le ras-le-bol agricole touche aussi les Antilles françaises et leurs producteurs de bananes. « Nous sommes étouffés par les normes », estime un dirigeant de la filière, l’UGP-BAN (l’Union des groupements de producteurs de bananes de Guadeloupe et Martinique). Les deux archipels espèrent envoyer autour de 200 000 tonnes de bananes vers la métropole et le reste de l'Europe cette année. Un retour à des niveaux plus habituels, après une série de tempêtes et d'aléas climatiques en 2022-2023 qui, couplés aux effets dévastateurs d’un champignon, ont fait chuter cette production à 185 000 tonnes l’an dernier.
La cercosporiose, le cauchemar des producteursCe champignon provoque une maladie, la cercosporiose noire. C'est le cauchemar des 500 producteurs français de bananes, car elle fait baisser les rendements et les revenus des agriculteurs. Ils se disent démunis pour y faire face depuis l'interdiction de l'épandage de pesticides par hélicoptère en 2014, en application d’une directive européenne.
Aujourd'hui, les fongicides sont appliqués à pied, mais la filière cherche à obtenir l'autorisation d'utiliser des drones. En attendant, une variété hybride, plus résistante à ce champignon, a été testée. Faute de résultats probants, l'initiative a été abandonnée fin 2022. Les dirigeants de la filière banane française placent désormais leurs espoirs dans la recherche d'une autre variété, cette fois via des OGM nouvelle génération : les NGT. Une technique pour l'instant interdite dans l'Union européenne.
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Un poids trop faible face aux exportateurs latino-américainsPrès de 90% des bananes de Guadeloupe et Martinique sont vendues en France métropolitaine. Cela correspond à 22% de la demande nationale. Pas assez pour peser réellement sur la fixation des prix, négociés de plus en plus souvent à l'échelle de plusieurs pays européens par les grandes enseignes de supermarchés. La caisse de 18,5 kg, payée autour de 15 euros l'an dernier, devrait ainsi perdre un euro en 2024. Lors des négociations menées fin 2023, la grande distribution a mis en avant la baisse du prix des transports transatlantiques et de celui de certains emballages ces derniers mois (des frais qui sont assumés par la filière banane). Autre élément d'explication : l'évolution du taux de change euro-dollar, qui a rendu les bananes d'Équateur ou encore du Costa Rica un peu moins chères pour les importateurs européens. « Les prix du marché européen dépendent de la banane dollar », la banane latino-américaine, constate Pierre Monteux, le directeur général de l’UGP-BAN.
Baisse des droits de douaneLes producteurs français, qui emploient près de 5000 personnes, ne s'y retrouvent pas. Ils s'estiment pénalisés par rapport à leurs concurrents internationaux, qui produisent plus, à moindre prix et sans être soumis aux mêmes normes qu'eux. Les agriculteurs antillais dénoncent aussi la baisse progressive, depuis une dizaine d'années, des droits de douane imposés par l'Union européenne aux bananes importées d'Amérique latine.
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