Le défi de la transformation des agricultures en Afrique [1/2]

Le défi de la transformation des agricultures en Afrique [1/2]

RFI
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La Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (Farm) a organisé ce mois-ci, une journée consacrée à la transformation des agricultures. Dans un monde touché de plus en plus par le changement climatique, les problèmes environnementaux, le besoin d’aller vers une agriculture plus durable, mais néanmoins productive pour faire face aux défis de la faim se fait de plus en plus pressante.

Malgré les préconçus, l’agriculture africaine est, elle aussi, touchée par l’usage de nombreux entrants, à la monoculture et donc à la dégradation des sols. Rachel Bezner Kerr est professeure associée à la Cornell University. Elle a beaucoup travaillé au Malawi. Pour elle, la réponse doit être multifactorielle.

Il faut pouvoir « évoluer vers des paysages plus diversifiés, incluant la culture de nombreuses variétés et la réintégration des animaux dans le système agricole s'ils ont été séparés. Mais cela signifie aussi des procédés tels que davantage d’agroforesterie, donc différentes formes de biodiversité sauvage », détaille la chercheuse. « Cela signifie travailler avec les agriculteurs pour assurer la transition, en faisant de la recherche participative afin que le système agricole développé fonctionne pour les agriculteurs et pour les communautés », poursuit-elle, rappelant qu’à la base de tout est de donner la priorité à des principes écologiques. Donc la « réduction des intrants chimiques » ou encore « travailler à la santé des sols ». 

La question de la rémunération des agriculteurs ne peut également être éludée, souligne Rachel Bezner Kerr. « Il faut aussi tenir compte des principes sociaux et économiques, comme s’assurer que le système est juste et équitable et que les agriculteurs obtiennent un prix juste pour leurs cultures », plaide-t-elle lors de la conférence de Farm.

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Donner des impulsions politiques

Mais pour parvenir à cela, le béninois Godfrey Nzamujo estime qu’il faut montrer qu’une agriculture raisonnée et vertueuse est possible. C’est pourquoi il a créé le centre Songhaï. « Il faut déconstruire cette mentalité qui ne veut pas bouger. Songhaï, c’est un laboratoire où les gens voient que c’est possible, explique-t-il. Parce que les discours ça ne marche pas, il faut que les gens voient que c’est plus facile, que c’est moins cher et que ça stabilise l’environnement. Comme ça on n’a plus d’excuses. »

Un changement de pratiques et de mentalité des agriculteurs que prônent beaucoup. Gifty Narh-Guiella, la directrice du Corade au Burkina Faso est d’accord. Mais tout ne doit pas reposer sur les épaules des petits producteurs, alerte-t-elle.

« C’est vrai que c’est l’agriculteur qui est au cœur, mais il faut des mesures incitatives. Ils sont confrontés à beaucoup de contraintes et donc s’il y a des mesures incitatives, c'est à l’État de le faire », argumente-t-elle. Gifty Narh-Guiella donne plusieurs exemples qui pourraient faire avancer les choses : « L’État distribue des intrants chimiques à coup de milliards, une partie peut être convertie en intrants organiques par exemple. L’État fait des achats pour les cantines scolaires, si des exigences sont posées pour avoir des produits qui respectent une certaine norme, ça peut aussi inciter les agriculteurs à produire des produits plus durables pour avoir accès à ces marchés. » Il est clair pour elle que les impulsions peuvent venir de l’État et des services publics.

Les spécialistes estiment que le secteur privé doit également prendre sa part en soutenant les agriculteurs, en favorisant l’achat de produits plus durables pour contribuer à la création de filières plus vertueuses.

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